Escherange-Molvange la reconstruction

I – CONTEXTE HISTORIQUE

En 1944, la libération assez lente du département de la Moselle a laissé aux armées allemandes le temps de mettre au point une destruction systématique.

Alors que la IIIe armée américaine du général Patton, à laquelle était rattachée la division Leclerc (2e DB), avait pu s’emparer de Nancy le 15 septembre 1944, la libération de Metz n’intervenait que le 22 novembre, et, à l’est du département, le 9 décembre seulement pour Sarreguemines

Ainsi, de septembre à décembre 1944, l’armée allemande eut-elle le loisir de faire sauter notamment quelque 655 ponts. Encore, ce chiffre ne représentait-il pas la totalité de nos ouvrages détruits, car il fallait tenir compte des séquelles des combats de 1940. Il fut nécessaire d’attendre le début de l’année 1947 pour connaître l’ampleur exacte du désastre, car l’inventaire même en était extrêmement malaisé : routes impraticables en raison des dégradations subies, zones minées et inaccessibles. Au point que, devant l’impossibilité d’approcher les sites endommagés, certains relevés d’ouvrages durent être faits à la jumelle.

LES DÉBUTS DE LA RECONSTRUCTION

Bilan de la guerre (extrait de la thèse de Bernard MEDDAHI)
La lente libération de la Moselle entre septembre 1944 et mars 1945 vient encore alourdir un bilan matériel et démographique catastrophique. Plus de 100.000 bâtiments sont endommagés ou complètement détruits. Les destructions dans les communes rurales, et plus particulièrement de bâtiments agricoles, représentent la part la plus importante de ce total. Mais l’industrie a également subi de graves dommages. Les dévastations sont généralisées dans la vallée de la Seille, entre Dieuze et Metz, et au Nord d’une ligne Forbach-Sarreguemines-Rohrbach-Bitche, plus localisées dans les autres régions du département. Sarreguemines, Bitche et Volmunster sont particulièrement éprouvées. En effet, le pays de Sarreguemines à Bitche, qui n’est libéré que le 13 mars 1945, après 93 jours de bataille, compte 90 % de bâtiments détruits à plus de 50 %.

En Moselle, les destructions liées à la Seconde Guerre mondiale et notamment aux bombardements de 1940 et de la fin de 1944 sont nombreuses sur les 764 communes du département, 61 (soit 8 %) sont détruites de 75 à 100 %, 112 (14,6 %) sont détruites de 50 à 75 %, et 357 (46,7 %) de 10 à 50 %, seules 98 communes sont détruites à moins de 10 %. On dénombre 5,5 millions de sinistrés en France.

II – ESCHERANGE-MOLVANGE UN VILLAGE DETRUIT A PLUS DE 80%

Quel ne fut pas le désespoir des Escherangeois et Molvangeois, après une année (octobre 1939 à septembre 1940) passée dans le département de la Vienne, loin de chez eux, lorsqu’ils ont vu leur village dévasté.

C’est un film de propagande qui est à l’origine de sa destruction. En effet les autorités allemandes ont tourné l’attaque d’un village sur la ligne Maginot pour la “kraft durch freude” .

Henri HIEGEL, professeur et archiviste honoraire, écrit dans son livre « la drôle de guerre en Moselle 1939 -1940 » La division prit position sur le Cappelberg au nord-ouest d’Escherange avec le brisant D, le bois de Kanfen avec le brisant C et Carrières Schack-Boust avec le brisant B(…) Le 10 l’artillerie ennemie bombarda violemment Escherange et le bois de Kanfen ».

Bombardements et explosifs, il ne restait plus grand-chose de notre village, 1 maison rue de la Klaus, 3 rue des sources, à Molvange la plupart des maisons de la place, la menuiserie WILLEM et le café, le moulin et quelques maisons en face, rue du Verger, la ferme KLEINER à l’autre bout. L’église est complétement détruite ainsi que son contenu, la mairie école, le presbytère et 124 maisons.

 

De 1946 à 1948, on écroule ce qui reste des maisons détruites, on retire les gravas au moyen des rails et des wagonnets installés au centre d’Escherange.

L’organisation de la reconstruction

Depuis leur retour de la Vienne les Escherangeois et Molvangeois, la plupart vivent à Angevillers, dans la cité des jardins, bâtie vers 1930 pour accueillir les ouvriers travaillant à la construction de la ligne Maginot, d’autres sont hébergés par des membres de leur famille dans les villages environnants.

De 1946 à 1948 des maisons provisoires en bois sont bâties afin d’améliorer les conditions de vie difficiles des sinistrés.

Ces baraques en bois étaient situées notamment rue des sources (15 baraques soient 30 familles) en périphéries des 3 maisons des officiers de la ligne Maginot (encore visibles aujourd’hui) où étaient logés aussi 6 familles ainsi qu’à la sortie d’Escherange route de Rochonvillers où se trouvait aussi la mairie-école provisoire (bâtie en dur).

Il y avait aussi des baraques à Escherange, rue Principale près de la maison de Mme Anne-Marie HAUX. Du personnel d’origine étrangère travaillant à la reconstruction y habitaient. Une baraque en dur servait de cantine pour les ouvriers près de l’étang.

A Molvange certaines baraques étaient situées rue des Près.

En janvier 1948, les équipements de production étant en grande partie détruits, le village a reçu de l’aide et des matériaux, tracteurs, machines agricoles, semences, de la Suède. Le village a organisé une fête pour honorer leurs bienfaiteurs.

 

III – de 1950 à 1956 RECONSTRUCTION DU VILLAGE

Une campagne de reconstruction, sous l’égide du MRU (Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme) créé à cet effet le 16 novembre 1944, se met en place. Albert Michaut (1894– 1982) est alors, en tant qu’architecte-urbaniste, chargé d’établir des plans de reconstruction et d’aménagement en Moselle. Ces derniers sont obligatoires pour bénéficier des fonds publics. A. Michaut encadre l’activité des architectes d’opération. Les plans de reconstruction et d’aménagement déterminent les zones à reconstruire, ils s’accompagnent d’un règlement sanitaire qui insiste sur l’amélioration de l’hygiène. Ils définissent le zonage de la commune, les caractères de la zone d’habitation, les caractéristiques de la zone extérieure au périmètre d’habitation, les caractéristiques de la voirie et des clôtures. Pour les constructions rurales est imposée la stricte séparation de l’habitation et des bâtiments d’exploitation. L’installation du chauffage, de l’eau et du gaz, de sanitaires et l’aération des locaux sont obligatoires.

C’est l’occasion de s’affranchir un patrimoine ancien et de reconcevoir les villes et villages selon des modalités nouvelles. A Escherange comme à Molvange, le ruisseau est canalisé permettant de modifier le tracé des voies. Avant guerre, le ruisseau était découvert et passait devant la route et les maisons.

Les maisons très confortables étaient équipées de salle de bain, WC (plus au fond du jardin comme c’était souvent le cas) de dalles béton à chaque niveau, de grandes baies vitrées. Ces équipements banals aujourd’hui représentaient une véritable amélioration pour nos concitoyens. En France, en 1946, seuls 37% des immeubles disposent de l’eau courante et 5% des logements d’une salle de bains (source : « Les Reconstructions des années 1920 et 1950 en Lorraine – LA GAZETTE LORRAINE »)

UNE LENTEUR DES TRAVAUX QUI REVOLTE LA POPULATION

Ci-dessous extrait de la fiche de liaison adressée le 04 novembre 1950 par l’architecte Paul AYNES chargé de la reconstruction en Moselle au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (source archives Mairie Escherange).

C’est l’entreprise, L’ESPRIT, qui était en charge des travaux. Les hommes du village ont été embauchés par cette entreprise pour reconstruire le village.

IV – RECONSTRUCTION DE L’EGLISE D’ESCHERANGE ET DE LA CHAPELLE DE MOLVANGE

L’ancienne église d’Escherange possédait 3 cloches de 780, 560 et 380 kg qui ont été évacuée en mai 1941 sur Angevillers puis à Uckange en 1944, retournées à Angevillers le 29 septembre 1944 à l’approche des américains et restituées à Escherange en août 1947.

En 1947 une des cloches avait été hissée dans le clocher de l’église provisoire les deux autres étaient disposées de part et d’autre de l’église.

L’église nouvelle dont la pose de la 1ère pierre date du 29 janvier 1961, le chantier durera deux ans et l’église sera terminée en 1963. Bâtie sur l’ancien site, le style est totalement renouvelé, avec un clocher avant-gardiste se détachant du corps de l’église. La reconstruction a permis d’en électrifier les cloches. Quant à la chapelle de Molvange les travaux de remise en l’état ont été terminés en 1962, coût 1.089.645 frs.

V – RECONSTRUCTION DE LA MAIRIE-ECOLE

Les travaux de la nouvelle école composée de 3 salles de classe, 2 logements et annexe, ont commencé le 20 janvier 1950 et mis en service le 15 novembre 1954.

 VI – TRANSMISSION DE LA MEMOIRE COLLECTIVE ET INDIVIDUELLE

La France dispose d’un patrimoine mémoriel conséquent avec 36 000 monuments aux morts disséminés sur le territoire. De même, les “lieux de mémoires”, sont nombreux. Les visiter peut être bénéfique (on parle de tourisme de mémoire), tout comme le fait de participer ou suivre à la télévision les cérémonies commémoratives, françaises et européennes, à l’image de celles organisées le 11 novembre pour l’armistice de 1918 ou le 27 janvier (Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste). “Elles sont nécessaires pour se reconstruire“, assurait en outre Denis Peschanski sur France Inter en 2017

Merci à nos « ainés » de nous aider à reconstituer l’histoire contemporaine de notre village, de nous transmettre leurs documents personnels, photos et surtout leurs souvenirs.